Espace d'émergences musicales

C’est en apprenant que l’année 2024 était dédiée aux résidences entre la France et la Lituanie que Trempo a fait le parallèle avec le Lizdas, structure recommandée par l’artiste nantais Simo Cell, qui avait rencontré ses créateur·rices. Josselin Couteau, programmateur de Trempo, précise : « On s’est dit qu’on pouvait en profiter pour associer ces deux pans de la culture que sont la musique et la nourriture. On a fait la proposition à l’Institut Français, qui l’a retenue. » Côté musique, OHM Town et Trempo se sont très vite accordés pour inviter Dela Savelli, à laquelle l’équipe du Lizdas a choisi d’associer Patricia Kokett. Côté fourneaux, Josselin Le Péron, d’OHM Town, s’est allié avec Artūras Naidenko, chef du restaurant Uoksas à Kaunas. Mantas, l’un des fondateurs du Lizdas, explique qu’au-delà de l’amitié qui lie les membres du club au chef depuis des années, le choix fait l’objet d’un clin d’œil fortuit :

« Le nom du restaurant de Artūras, Uoksas, signifie « nid de chouette » tandis que celui de notre club, Lizdas, signifie « nid ». On ne l’a pas pensé comme ça, mais il s’est trouvé un écho involontaire. On retrouve la même idée de déconstruction dans la cuisine de Arturas et dans la musique que l’on propose. Ça s’est fait de manière évidente pour représenter la Lituanie et Kaunas. »

Pour les quatre résident·es, la dimension internationale de l’échange était une première et toutes et tous l’abordaient avec des sentiments très favorables : de la curiosité pour Artūras Naidenko, qui souhaitait depuis longtemps découvrir la France au-delà des aspects culinaires qu’il connaissait, et une certaine joie pour Josselin Le Péron, qui avait imaginé inviter des chef·fes dès les débuts d’OHM Town. Quelques échanges en amont, et un lien vite noué entre les deux cuisiniers : « on se demande au début comment ça va aller et après les premiers échanges, on sait que tout va bien se passer » apprécie le chef nantais, rejoint par son homologue lituanien : « en tant que chef, rien ne réunit tant que le travail commun, donc il a suffi qu’on entre en cuisine pour que les choses se passent naturellement. » En début de résidence, Josselin a profité de la soirée organisée au Bras de Fer pour faire découvrir des vins et produits locaux à Artūras, qui s’est montré pour le moins réceptif, pour celui-ci : « être là, découvrir et goûter ces produits locaux, c’était une super entrée en matière. »

« Une aventure, une bonne routine »

Dans les studios de Trempo, la rencontre entre Patricia Kokett et Dela Savelli s’est faite par le biais de huit jours de création musicale commune. L’artiste nantaise, initialement un peu stressée par le challenge, a rapidement vu le studio se muer en une « safe place », où les échanges, nourris et chaleureux, ont fait de la résidence une véritable « aventure en forme de rollercoaster. » 

« Ce que j’apprécie vraiment aujourd’hui c’est de partager la créativité, mais aussi le stress, les questionnements et les problèmes, trouver une complicité, parce que quand tu es seule et que tu es stressée ou que tu ne sais pas où aller, tu es juste seule face à toi-même et il faut garder le mental » indique Dela Savelli.

Échange de « tricks » en cuisine, partage de références musicales en studio, chacun·e y est allé·e de son apport pour aboutir à « une chose de quinze minutes » comme sourient en cœur les musicien·nes, et à six plats de style nordique à OHM Town. 

À l’heure d’un bilan à chaud, la satisfaction est générale. Tout comme son homologue nantaise, Patricia Kokett se dit ainsi « fatigué mais satisfait » et très content du projet :

« Je n’avais aucune attente, comme je l’ai dit à Angie [Dela Savelli] avant, et je vais rentrer à Vilnius avec un sentiment d’accomplissement. Je vais être une meilleure personne parce que je vais rapporter une manière de voir les choses élargie et enrichie. »

« L’énergie de ces échanges c’est aussi de créer des passerelles »

À côté des plats et des morceaux, toutes et tous saluent l’ambiance générale et l’aspect humain de la rencontre. « C’est une surprise de voir que tout le monde est souriant et accueillant ici, c’est très différent des gens du Nord » pour Artūras, ce que ne démentent pas Zilvinas, Monika et Mantas du Lizdas, ravi·es de découvrir Trempo et l’ambiance qui y règne. Mantas, qui confie dans un sourire « ressentir une pointe de jalousie » à la vue du lieu et de la communauté qu’il réunit, s’enthousiasme :

« Il y a beaucoup de choses à tirer d’une telle rencontre. Il faudrait emmener des élu·es lituanien·nes ici, leur faire faire le tour des lieux, les amener à rencontrer des élu·es nantais·es, pour discuter, comprendre les raisons qui les poussent à soutenir un lieu pareil. C’est une chose qui va nous inspirer. »

Même son de cloche côté Trempo explique Josselin Couteau, « super content, car les artistes étaient au moins autant enchanté·es que l’équipe du Lizdas » :

« C’est aussi ça l’énergie de ces échanges, c’est de créer des passerelles, et ça fonctionne car il y a déjà des envies de donner une suite en Lituanie, très probablement avec Dela Savelli, peut-être avec le Macadam. »

Rédaction : Simon Grudet
Photos : Julia Briend