Espace d'émergences musicales

Comment s’est passée votre rencontre ?

Úlfur Eldjárn : C’était très… inspirant ! Pour mon premier jour, il y avait des émeutes dans les rues*… C’était plutôt dramatique en fait : alors que j’étais censé m’installer dans le studio et accueillir Julie, nous avons dû évacuer le bâtiment. Nous nous sommes retrouvés dehors, entre les manifestants et la police, et il a d’abord fallu nous éloigner pour trouver un endroit sûr. C’était très impressionnant.

Travailler loin de chez soi : qu’est-ce que cela change pour un artiste ?

Roukie : Je collabore avec beaucoup de groupes différents (Degree, Kokopeli, entre autres…), mon emploi du temps est chargé et c’est vraiment difficile de dégager du temps pour travailler sur mon projet solo. Avoir trois semaines “à moi” dans un studio, c’est vraiment incroyable. C’est une super opportunité, parce que je vais pouvoir terminer mon premier EP ! 

Úlfur Eldjárn : je compose pour le cinéma, la télévision, la publicité, j’ai aussi une famille… donc ma vie à la maison est très occupée, parfois stressante. Mes projets solo ne sont pas toujours une priorité. D’ailleurs les morceaux que j’ai amené étaient presque terminés il y a deux ans, mais j’ai dû les mettre en pause tellement j’ai été pris pour d’autres projets. 

« Je suis aussi impressionné de voir un tel bâtiment entièrement dédié à la musique. Nous n’avons pas ça à Reykjavik, même si il y a une grosse communauté de musiciens. Ici, je bénéficie d’un très bon studio. Il existe beaucoup de résidences auxquelles postuler, mais très peu qui offrent ces conditions de travail. Pouvoir se concentrer sur son art, c’est très rare. » Úlfur Eldjárn

Le programme comprend aussi des masterclasses, des ateliers… Ulfur, vous allez notamment rencontrer les musicien·nes du programme Transversales pour parler de musique à l’image : que souhaitez-vous leur transmettre ?

Úlfur Eldjárn : je vais leur parler des opportunités à saisir.. mais aussi de la façon dont on se crée des opportunités, en essayant de faire autre chose que ce que l’industrie attend de nous. À Reykjavik, j’ai réalisé une sorte de bande sonore pour la ville, qui fonctionne en lien avec le GPS (Reykjavik GPS). J’ai aussi créé un film avec sept batteurs dans la banlieue. J’aimerais discuter de ça : si vous n’arrivez pas à obtenir de boulot dans la composition pour l’image, vous pouvez créer votre propre boulot !

Travailler pour des commandes, c’est aussi une autre gestion du temps…

Úlfur Eldjárn : c’est quelque chose de très important, que j’ai mis longtemps à réaliser : dans la musique à l’image, vous devez mettre votre perfectionnisme de côté. N’importe quel réalisateur vous le dira : personne ne se soucie du temps que vous avez passé à peaufiner telle reverb ou tel son… Tout ce qui les intéresse, c’est “avez-vous livré à temps et cela fonctionne-t-il pour le film ?”. C’est très différent d’un travail personnel, ou parfois nous nous perdons dans les détails.

« Dans le cinéma et surtout à la télévision, vous n’avez simplement pas le temps. La première idée est donc souvent la seule valable. On apprend beaucoup sur la confiance en soi : il n’y a pas de place pour le doute… » Úlfur Eldjárn

 

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Julie, en quoi partir à Reykjavik peut inspirer pour la musique ?

Roukie : Ce sera ma première fois en Islande. Ça semble un pays si différent, j’ai beaucoup de choses à découvrir. Donc oui, je pense que ça va influencer ma création. L’Islande, c’est un fantasme pour beaucoup de musicien·nes : j’ai hâte de voir les paysages, rencontrer les artistes, les gens de Hafnar Haus (le lieu de résidence)… Je veux vraiment terminer mon EP, peut-être aussi prendre des images, faire un mini clip, même si c’est brut, tourné au téléphone. 

Úlfur Eldjárn : Tu pourras sûrement rencontrer quelqu’un pour t’aider à Hafnar ! C’est différent de Trempo : le lieu est grand aussi, mais il n’est pas uniquement axé sur la musique : c’est une sorte de lieu créatif avec toutes sortes de personnes : certains travaillent dans les arts visuels, le design, d’autres sont horlogers où font des expériences avec les plantes…

Roukie : Ce serait super ! En France, je travaille avec Grégoire Dugast, qui a son propre projet, est musicien pour Zaho de Sagazan et m’aide beaucoup depuis le lancement du projet. Je travaille aussi avec la photographe Zoé Cavaro, avec qui nous avons fait un clip. J’adore son univers.

« En Islande, ce sera donc la première fois que je me retrouve vraiment seule, à devoir tout faire. Mais j’ai hâte ! Je vais aussi me produire au festival Iceland Airways, dans lequel joue une de mes artistes préférées, Saya Gray » Roukie

Vous avez aussi décidé de collaborer sur quelques titres ?

Roukie : Le premier jour, nous avons simplement échangé sur nos musiques, nos projets. Úlfur m’a envoyé une démo d’un de ses morceaux et j’ai beaucoup aimé. J’ai essayé d’y poser des voix, c’était vraiment naturel et très agréable. On jouera sûrement deux morceaux à Trempo.

Úlfur Eldjárn : Nous nous sommes dit qu’on pourrait tenter une collaboration, sans pression. Je lui ai envoyé ce morceau, elle m’a renvoyé quelque chose dans la nuit même… c’était spontané et ça a vraiment bien marché. C’est aussi le bon côté : maintenant que nous avons une connexion, avec la technologie d’aujourd’hui, nous pouvons rester en contact et continuer à collaborer. 

* Jeudi 10 septembre 2025, à l’occasion de la journée “bloquons tout” des heurts ont eu lieu entre manifestant·es et force de l’ordre, devant Trempo.

Mercredi 24 septembre de 19h à 20h
Composer pour l’image : rencontre avec Úlfur Eldjárn
Maison de l’Europe, 90-92 bd de la Prairie au Duc, Nantes
Gratuit, sur inscription ➝ Plus d’infos

Interview et rédaction : Trempo
Photo : Margaux Martin’s